Origine et histoire de la Cathédrale Saint-Gervais-et-Saint-Protais
Les origines de la cathédrale sont mal connues : l'évangélisation ancienne du territoire et la découverte de reliques expliquent l'implantation d'un siège épiscopal à Soissons, mais la première mention du monument date seulement du VIIe siècle. Un double vocable et des témoignages de l'Ancien Régime laissent supposer, dès l'origine, l'existence d'un groupe cathédral comportant deux églises et un baptistère, probablement situé à l'intérieur du castrum, sans que l'on puisse en préciser l'implantation exacte. La cathédrale carolingienne et son évolution durant le premier millénaire restent obscures ; on sait seulement qu'un incendie en 948 atteint le cloître et la cathédrale, sans que les réparations soient précisément documentées. Vers la fin du XIe siècle, Enguerrand de Coucy fait reconstruire la salle capitulaire, aménage un cimetière et finance des verrières, tandis que la grande campagne de travaux datable du XIIe siècle se confirme par des dons et la découverte d'un chapiteau sous les grandes arcades. À la fin du XIIe siècle, le chantier se poursuit : le bras sud du transept, élevé sur quatre niveaux, constitue la partie la plus ancienne conservée de l'édifice ; Nivelon de Quierzy cède le terrain nécessaire et la fondation d'une chapellenie en 1190 indique le proche achèvement de cette phase. La réédification du chœur, de la croisée et de la travée de nef voisine occupe les décennies suivantes grâce à des libéralités notables, et le financement royal d'une grande verrière de l'abside est attesté ; le chapitre prend possession du nouveau chœur en 1212. La construction de la nef et du massif de façade s'étend tout au long du XIIIe siècle avec des avancées lentes : la nef et la base de la façade sont achevées vers le milieu du siècle, la galerie haute de la façade et la sculpture du clocher sont réalisées plus tard, et le bras nord du transept est rebâti dans le dernier quart du XIIIe siècle, comme le confirme une datation dendrochronologique. La chapelle du Sépulcre, fondée en 1276, sera détruite à la Révolution ; seules subsistent des remplages aveugles sur le mur nord du transept. Une chapelle dédiée à saint Martin et saint Louis est ajoutée au début du XIVe siècle. Le siège de 1414, suivi de la cession de matériaux préparés pour la seconde tour, condamne l'édifice à rester partiellement inachevé. Les guerres de religion et l'occupation par les Calvinistes en 1567–1568 provoquent d'importants vandalisme et destructions : vitraux brisés, mobilier endommagé, statues mutilées, renversement du petit clocher de la croisée et tentatives de démolition des piliers ; la remise en état exige les sacrifices financiers de l'évêque Charles de Roucy et du chapitre. Les intempéries et accidents (plusieurs épisodes de tempêtes, la chute d'un petit clocher en 1711) entraînent d'autres réparations jusqu'au XVIIIe siècle, qui voit néanmoins des travaux et des enrichissements importants : fondation et aménagement de la chapelle du Sacré‑Cœur suite à un vœu en 1729, remaniement du décor du chœur et des chapelles selon les plans de Slodtz entre 1767 et 1775, construction de la grande sacristie et édification de deux chapelles au nord de la nef. La Révolution transforme la cathédrale en magasin et entraîne soldes de biens, destructions et l'effacement du décor sculpté des portails ; une partie de l'édifice est rendue au culte en 1795 et, après la période révolutionnaire, le Consulat autorise des réparations et la nomination d'un nouvel évêque. Au début du XIXe siècle, le démontage de l'église abbatiale Saint‑Jean‑des‑Vignes permet d'utiliser ses matériaux pour restaurer la cathédrale, mais l'explosion d'un magasin à poudre en 1815 cause de nouveaux dégâts aux toitures et aux verrières ; les réparations sont alors conduites sous la direction de l'architecte Louis Duroché, y compris la restauration des portes du portail occidental. Durant le XIXe siècle la cathédrale bénéficie d'un entretien continu, de remplacements de couvertures et d'opérations de restauration menées par les architectes départementaux et diocésains : rachat de dépendances, réaménagements intérieurs, restauration des vitraux confiée à Édouard Didron à partir de 1855, transformations et projets d'embellissement qui se poursuivent tout au long du siècle. Les bombardements de 1870 causent de nouveaux dommages réparés ensuite par Adolphe Lance puis Édouard Corroyer, qui restaure aussi la salle capitulaire et la galerie de cloître et fait construire une salle pour la fabrique. Les interventions se poursuivent à la fin du siècle et au début du XXe siècle, malgré des opérations parfois regrettables comme le décapage excessif effectué sous l'épiscopat de Mgr Duval. La Première Guerre mondiale porte un coup dévastateur : la cathédrale est prise pour cible, les toitures et les verrières sont détruites, des travées de la nef s'effondrent en 1915–1916 et l'édifice se retrouve en ruines à l'armistice. La restauration engagée dès la fin du conflit, dirigée par Émile Brunet en collaboration avec professionnels et ateliers, se concentre d'abord sur le chœur et le transept afin de restituer au culte la partie orientale dès la Toussaint 1919, puis sur la réédification de la nef, des arcs-boutants et des voûtes entre les années 1920 et 1930 ; des verrières médiévales et modernes sont réinstallées ou créées avec des financements publics et privés. Les principaux chantiers s'achèvent dans l'entre‑deux‑guerres : la nef est rendue au culte en 1931, les chapelles et la salle capitulaire sont bénies en 1933, et la tour sud est inaugurée en 1937. La Seconde Guerre mondiale cause peu de dégâts directs au bâtiment, les verrières anciennes ayant été déposées dès 1939, mais les verrières modernes sont atteintes en 1945 ; les interventions des Monuments historiques de la seconde moitié du XXe siècle visent à consolider et compléter l'œuvre de restauration réalisée au cours de l'entre‑deux‑guerres.